Le registre des livrets d'ouvrier de Montcy-Saint-Pierre

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À l’occasion du 50e anniversaire de la fusion des communes de Charleville, Étion, Mézières, Mohon et Montcy-Saint-Pierre, les Archives départementales des Ardennes mettent en lumière tous les deux mois un document emblématique issu des fonds d’archives de ces cinq communes.

Après la charte de Mézières et le registre de la fabrique de l’église Saint-Lié de Mohon, le troisième document mis à l’honneur est le registre des livrets d’ouvrier de Montcy-Saint-Pierre rédigé entre 1855 et 1865.

La création des premiers livrets ouvriers remonte à l’année 1749. Supprimés en 1791, ils sont rétablis en 1803. Le Second Empire par la loi du 22 juin 1854 crée son propre modèle de livret. Contrairement aux modèles précédents, les livrets demeurent entre les mains de l’ouvrier. Les patrons ont désormais l’obligation de rendre son livret à l’ouvrier après y avoir inscrit sa date d’arrivée ou de départ dans l’entreprise. Ils n’ont également plus le droit d’inscrire dans le livret des appréciations sur l’ouvrier, qu’elles soient positives ou négatives. Le livret ouvrier demeure néanmoins un outil de contrôle de la population ouvrière. Seuls les ouvriers munis d’un livret peuvent être embauchés et pour pouvoir quitter un employeur l’ouvrier doit faire mentionner dans son livret s’il doit encore de l’argent à son patron.

Le livret d’ouvrier sert aussi de passeport de l’intérieur. L’ouvrier doit être en mesure de le présenter aux forces de police. Il est également autorisé à voyager uniquement vers la destination inscrite sur son livret.

Les livrets d’ouvriers sont délivrés par la mairie de résidence de l’ouvrier qui consigne leur délivrance dans un registre. À Montcy-Saint Pierre, le registre des livrets d’ouvriers mentionne la délivrance de 178 livrets d’ouvriers entre le 26 octobre 1855 et le 12 juillet 1864. Les principales informations contenues dans le livret y sont reprises tels que les noms et prénoms, l’âge, le lieu de naissance, le signalement, le nom du chef d’établissement pour lequel l’ouvrier travaille lors de la délivrance du livret et le visa pour passeport. Nous apprenons par exemple que le 4 septembre 1857 un livret d’ouvrier a été délivré à Jean Alexandre Liennard, né aux Grandes-Armoises, âgé de 31 ans, manouvrier chez un fabricant de ferronnerie nommé Leriche. Le registre précise qu’il mesure 1 mètre 65, qu’il a la barbe, les cheveux et les sourcils châtains, le visage ovale, le front découvert, le menton relevé, les yeux bleus, le nez mince, la bouche moyenne et le teint coloré.

Les ouvriers à Montcy-Saint-Pierre sont âgés entre 10 et 61 ans. La classe d’âge la plus représentée est celle des 15-24 ans qui représentent presque 30% des ouvriers mais le nombre important d’ouvriers de moins de 14 ans (14% du total) fait tomber la moyenne d’âge des ouvriers de la commune à 16 ans.

Ils sont originaires pour 56 % d’entre eux de Montcy-Saint-Pierre, 23 % viennent d’autres communes du département. Les étrangers, principalement des belges, représentent 18% de l’effectif et seulement 3% des ouvriers proviennent d’autres départements français.

Les ouvriers à l’époque travaillent majoritairement dans la métallurgie. Plus d’un tiers d’entre eux exerce la profession de cloutier. On trouve également des ferronniers, des taraudeurs, des limeurs. Les livrets d’ouvriers n’étant pas uniquement réservés aux salariés de l’industrie, le registre mentionne aussi des domestiques, des boulangers, des jardiniers ou des charpentiers. Les femmes représentent 5% des ouvriers inscrits au registre. Elles travaillent également principalement dans la métallurgie en occupant des postes de manouvrière dans des usines de ferronnerie.

Les deux plus importants employeurs d’ouvriers de la commune sont le fabricant de ferronnerie Dupuis et Jubert à Montcy-Saint-Pierre et le marchand de clous Lechanteur à Charleville.

Ce registre apporte également des informations sur la construction du chemin fer dans les Ardennes. Entre 1855 et 1861, quinze ouvriers s’installent dans la commune afin de participer à la création des premières lignes de chemin de fer du département. Pour 14 d’entre eux, ils viennent spécialement de Belgique pour réaliser ces travaux, le 15e vient du département de la Meurthe.

Le registre des livrets d’ouvriers de Montcy-Saint-Pierre conçu à l’origine comme un instrument de contrôle de la population ouvrière est désormais une source d’informations pour l’histoire de la condition ouvrière au XIXe siècle dans les Ardennes. Il est consultable aux Archives départementales sous la cote EDEPOT/MONTCY-SAINT-PIERRE/F 1.

Retrouvez dans deux mois un nouveau document extrait des archives communales d’Étion.