Archives départementales des Ardennes

Attestation de l’état de pauvreté de l’élection de Rethélois

Présentation

Attestation par le doyen de Mézières de l’état de pauvreté de l’élection de Rethélois, 1481

AD08, E 153

Commentaires

Etablie à la demande des échevins et officiers de justice de Mézières par des prêtres notaires apostoliques de la ville et des clercs jurés du bailliage de Vitry, cette attestation décrit la grande misère dans laquelle est plongée la population du comté du Rethélois en 1481. Celle-ci est provoquée par le stationnement depuis trois ans de gens d’armes dans le pays. Le texte précise qu’en 1481, sont encore présents deux cents lances, sans compter les gascons, liégeois ou autres qui sont logés dans les forteresses du Châtelet, de Montcornet et de Watefale. Ces soldats « passant, repassant, séjournant très souvent sur ledit pays conduisent à une disparition des grains et vivres. »

Les auteurs du texte attestent qu’après le passage de cette armée le pays de Rethélois fait face, à partir d’août 1480, à une grande pauvreté et à une forte inflation qui selon les anciens n’a pas été vue depuis cinquante ans. Le prix du froment est ainsi multiplié par trois ou quatre, celui du seigle et de l’orge par cinq et celui de l’avoine par trois. Outre la consommation des céréales par l’armée, cette inflation est aussi due au fait que « les herbes et foins en plusieurs lieux furent mangés, pâturés et foulés ou désgatés [par les] chevaux de ladite armée et charrois qui chacun jour les pâturaient et foulaient en allant de lieu à autre ». Cette circulation incessante de l’armée a aussi pour résultat qu’aucun grain ne put être moissonné dans une zone allant de la rivière d’Aisne jusqu’à Mézières. Les auteurs expliquent aussi que l’inflation est entrée dans un cercle vicieux. Les « pauvres laboureurs » ne pouvant acheter de la nourriture pour nourrir leurs chevaux, ces derniers meurent, ce qui empêche les moissons. Les paysans n’ont alors pas de grains à vendre ce qui fait encore augmenter les prix.

Ce renchérissement des grains a pour conséquence qu’« une très grande partie des pauvres laboureurs, manouvriers et autres habitants de ladite élection pays et comté qui souloit [avait l’habitude] de vivre de leur labeur et manœuvres sont chus et choient chacun jour en mendicité et sont contraints de querir leur aumône » et que les autres habitants sont obligés pour se nourrir de « vendre leurs héritages » [leurs biens immobiliers] ou « leurs biens meubles ». Un très grand nombre de personnes, femmes, veuves, orphelins et autres se rendent également chaque jour à l’hôpital de Mézières pour obtenir l’aumône et plusieurs meurent chaque jour.

Cette situation amène aussi de nombreux habitants à se présenter devant les « élus » de l’élection de Rethélois, chargés de lever les impôts, pour demander une diminution de la taille et des subsides. Ces diminutions sont accordées par les élus car les auteurs précisent que, lorsque leurs sergents se rendent dans les villages pour lever l’impôt, ils ne trouvent que des meubles à prendre pour gages. Ces diminutions d’impôts sont aussi motivées par la crainte que, sans celles-ci, « les pauvres habitants seroient contraints de s’absenter et laisser leur habitation et lieu de nativité ». L’insistance des auteurs sur ce dernier point suggère que ce document rédigé par des représentants des pouvoirs religieux et civils locaux et donnant une description quasi journalistique de la situation a pu être utilisé dans le cadre d’une négociation fiscale entre les représentants de la ville de Mézières et le roi Louis XI.

Partager sur