Archives départementales des Ardennes

Le mariage pour sortir de la pauvreté

Règlement de la fondation des Filles-Madame à Rethel

Cet ouvrage a rejoint la bibliothèque des Archives départementales en 2024 grâce à un achat effectué auprès d’un libraire et bouquiniste ardennais. Le document ici présenté est le frontispice du règlement de la fondation des Filles-Madame, imprimé en 1663. Cette gravure peut se lire de haut en bas. En haut, le ciel avec Dieu (écrit en hébreux יהוה « yhwh »). La Trinité est représentée sous forme de coupe d’où s’échappe la manne qui tombe en pluie sur un autel en pierre. Le duc et la duchesse ont leur portrait de part et d’autre de l’autel et soutiennent ce dernier. Leurs actions charitables est gravée sur le devant de l’autel.

Cette fondation charitable est créée en 1573 par Louis et Henriette de Gonzague. Attendant désespérément un fils, ils font le vœu de créer une fondation pour doter les filles pauvres, orphelines et méritantes de leurs seigneuries, soit soixante filles élues chaque année. Le 11 mars 1573, un fils naît, Frédéric, et ils respectent leur vœu. À destination de leurs sujets français et italiens, cette fondation a pour objectif de fournir 60 livres tournois chaque année à 60 jeunes filles pauvres mais vertueuses. Cette somme leur permet ainsi d’accéder au statut de femme mariée, statut qu’elle ne pourraient pas forcément obtenir de par leur statut d’origine.

Un règlement est publié en 1579 et se sont les officiers du duc qui le font appliquer. La sélection de ces soixante jeunes filles est réalisée au moyen d’une élection à deux tours : un premier dans les paroisses rurales, puis un second dans le chef-lieu de prévôté. Les jurés sont choisis parmi les notables locaux : procureurs, juges, prêtres et curés. Ensuite c’est un tirage au sort qui détermine les élues. Chacune tire au sort un papier enroulé sur lui-même. Les billets gagnants portent les mots « Dieu vous a élevé » et les autres « Dieu vous console ». Bien que cette fondation soit commune à l’ensemble des possessions des Gonzague, la pratique semble s’être davantage développée dans le Rethélois plutôt que dans le Nivernais comme l’attestent les archives conservées. En outre, cette initiative s’ancre dans la tradition pour perdurer plus de deux siècles, jusqu’à la veille de la Révolution.

À la différence des fondations italiennes, le choix des jeunes filles procède de plusieurs facteurs qui favorisent la charité, le premier étant la proximité des candidates avec les électeurs qui appartiennent à la même communauté ; les jeunes filles sont issues dans leur grande majorité de familles comptant parmi les plus pauvres de la société (manouvriers, cloutiers ou artisans peu qualifiés) et sont également le plus souvent orphelines ; les femmes mariées et les veuves participent très activement aux élections en tant qu’électrices, elles peuvent donc par conséquent juger de la moralité des jeunes filles qui sont décrites dans les procès-verbaux comme étant « de la qualité requise ayante toujours vécu catholiquement en fille de bien et non mariée ».

Bien qu’œuvre charitable, cette fondation poursuivait des visées politiques puisqu’elle avait pour but de glorifier les Nevers et de conforter la place du catholicisme parmi les populations du Rethélois.

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