Un registre de délibérations municipales retrouvé
Le premier registre de délibérations de Létanne a réintégré le fonds déposé par la commune
Le 29 janvier 2020, les Archives départementales du Nord reçoivent d’un particulier un registre portant l’inscription « Registre des délibérations de Létanne pour 1790 ». Assurément, ce registre relève de la catégorie des archives publiques et appartient à la commune dont il consigne les actes du conseil municipal. Les Archives départementales des Ardennes sont alors prévenues qu’un document provenant d’une commune de leur ressort est à venir chercher à Lille. Les événements de l’année 2020 et le départ du directeur repoussent l’occasion. Après l’arrivée d’un nouveau directeur en juillet 2021, une date de rencontre est convenue le 11 août pour récupérer le précieux document qui réintègre le fonds de la commune constitué de plusieurs dépôts en 1974, 1993 et 1994.
Chacune des pages du registre raconte l’histoire de la commune à travers les événements vécus et les décisions prises par son conseil municipal et est un témoignage sur le début de la démocratie et de la représentation des citoyens dans une commune des Ardennes.
La première page du registre raconte la journée du 31 mai 1790, date à laquelle la commune se dote d’un conseil municipal. Jean Chambart, syndic de la commune, appelle les habitants du village à se réunir après la messe. Lecture est ensuite faite par Jean Hannetet de la convocation de l’Assemblée nationale du 14 décembre 1789 instituant les communes dans toutes les paroisses de France. Trois scrutateurs sont élus : Gibou père, Fiquet père et Thomas Marly qui ont promis de « faire avec toute l’intégrité possible le recensement des scrutins ». On procède alors à l’élection d’un maire par scrutin individuel. Après son élection, le nouveau maire, François Gibou, fait le serment « de maintenir de tout son pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèle à la nature, à la loi et a roy et de bien remplir sa charge ». Deux membres de la municipalité sont également élus, puis les notables sont élus par scrutin de liste. Sont enfin nommés Jean Chobart, procureur, et Jean Philippe, secrétaire greffier. Tous prêtent serment « de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d’être fidèle à la nature, à la loi et au roy et de bien remplir leurs fonctions » et ont ensuite signé. Le premier conseil municipal de l’histoire de Létanne est ainsi constitué.
Quelques mois après, pendant la guerre de la Première Coalition, la commune se retrouve à proximité des lieux des combats entre les forces françaises, autrichiennes et prussiennes au cours de l’été 1792. Les délibérations mentionnent alors que la commune ne peut supporter les contributions imposées par l’armée impériale.
La page 38 fait figurer pour la première fois la mention « l’an Ier de la République » à la date du 27 octobre 1792, soit plus d’un mois après l’abolition de la monarchie et la proclamation de la République. Viennent ensuite la mention des dates du calendrier révolutionnaire, élaboré après l’avènement de la République et entré en application au cours de l’année 1793.
Le registre ne comporte plus d’actes entre le mois de nivôse de l’an IV (décembre 1795 / janvier 1796) et le mois de floréal de l’an VIII (avril / mai 1800). Le premier acte, daté du 29 floréal an VIII, est l’arrêté nommant François Gibou maire de Létanne par le nouveau préfet des Ardennes, Joseph Frain. Les séances du conseil municipal reprennent alors à partir de cette date, mais de manière plus irrégulière et s’interrompt pendant le Premier Empire. Le 11 juin 1815, pendant la période des Cent Jours, un nouveau conseil municipal est installé, mais la défaite de Napoléon précipite la deuxième restauration de la monarchie qui est mentionné par un « Royaume de France » en haut du verso de la page 131 du registre.
À la fin du registre est dressée la liste des citoyens actifs et des enfants âgés de dix-huit au moment de l’institution de la commune : c’est une source fondamentale pour connaitre l’état de la population en 1790. En outre, chacun d’eux a signé de son écriture personnelle, ce qui laisse apparaître les différents niveaux de maîtrise de l’écriture parmi la communauté villageoise. Le registre contient, dans ses dernières pages, la superficie du territoire communal relevé d’après les pièces terrier et les renseignements des laboureurs et propriétaires : prés, terres labourables, terres incultes, vignes et bois sont énumérés.
Grâce à la bonne action d’un particulier que nous remercions chaleureusement pour son geste, une commune des Ardennes a ainsi retrouvé une partie de son histoire et le Département des Ardennes, une pièce de son patrimoine écrit.