Buffalo Bill, un héros de l'Ouest américain dans les Ardennes
Clichés extraits du fonds Tanazacq (33J)
Chargées de collecter la mémoire des Ardennes, les Archives départementales détiennent une collection importante de fonds photographiques donnés par des particuliers, photographes professionnels ou amateurs. Pendant des années, plaques de verres, négatifs et diapositives pieusement stockés sur les rayonnages du bâtiment sont restés inexploités, révélés seulement au hasard d’un développement ou d’un tirage photographique. Depuis le début du XXIe siècle, les nouvelles techniques de numérisation ont rendu possible, de façon beaucoup plus rapide et surtout systématique, la redécouverte des nombreux fonds photographiques.
Dans ce vaste ensemble documentaire, quelques pépites sont parfois surprenantes. Le scanner met au jour l’image des plaques de verre jusque-là demeurées mystérieuses : surgit ainsi, au milieu d’une arène, un cavalier, fusil à la main, saisi en plein mouvement … La légende du cliché indique qu’il s’agit de Buffalo Bill ! La personnification de l’Ouest américain dans les Ardennes ? Comment est-ce possible ? Qui a donc réalisé cette prise de vue ?
Des recherches plus approfondies au sein des fonds conservés aux Archives départementales permettent d’en savoir davantage sur cette étonnante découverte. En 1905, William F. Cody est en tournée européenne avec son show Buffalo Bill’s Wild West : le colonel a 59 ans, c’est sa dernière tournée et il exhibe sa troupe dans de nombreuses villes de France.
Le 14 juillet 1905, il est à Mézières-Charleville pour deux représentations. C’est un événement pour la population ardennaise, émerveillée par ce « spectacle grandiose » comme le qualifie le journal l’Éclaireur de l’Est. De grands encarts publicitaires paraissent dans la presse, notamment le Petit Ardennais, depuis plus d’une semaine. Le journal va même jusqu’à interviewer le major John M. Burke, compagnon d’arme du colonel Cody et membre de la troupe, qui ne tarit pas d’éloges sur ce héros de la conquête de l’Ouest.
En ce jour de fête nationale, dans la prairie du Grand Pâquis, à proximité de l’actuel square Bayard, se succèdent exercices de tir à cheval, reconstitution de la vie au Far-West, manœuvres d’artillerie opérées par des vétérans américains, orchestre de cow-boys, scènes relatant les mœurs des Indiens… c’est tout un univers visuel qui se déploie sous les yeux des spectateurs ébahis.
Parmi ceux-ci, un pharmacien de Maubert-Fontaine s’est déplacé avec son appareil photographique, plus précisément une chambre photographique. Il ne peut réaliser qu’un seul cliché à la fois, en insérant dans cet encombrant appareil la plaque de verre recouverte d’une émulsion. C’est donc dans des circonstances étonnantes qu’il ramène dans sa commune ces plaques qui seront stockées dans la demeure familiale. Les années passent…
En octobre 1978, François Tanazacq, pharmacien de Maubert-Fontaine devenu prêtre orthodoxe sous le nom du révérend père Côme, confie aux Archives départementales un fonds privé de dessins, ouvrages et documents divers, notamment une série de clichés stéréoscopiques concernant une famille de Maubert-Fontaine entre 1897 et 1914. Ces prises de vue photographiques sont très diverses et ont le mérite de figer dans le temps des évènements marquants de la Belle Époque. Sans ce témoignage du passé, qui se souviendrait aujourd’hui de la venue de Buffalo Bill dans les Ardennes ? Les Archives départementales recèlent parfois de belles surprises !