Découverte de quelques typologies de documents

La charte d'Otton

Épisode 2 : La charte d'Otton

Chaque visiteur du service des Archives départementales des Ardennes a pu rencontrer le document le plus ancien conservé en nos magasins (H 142). Il en est en France de plus anciens et de plus récents. Les Ardennes s’enorgueillissent de conserver une charte de l’empereur Otton III (980-1002).

Cette charte date de 997 et confirme les biens de l’abbaye de Mouzon. Ces biens concernaient les lieux de Yoncq, Brévilly, Douzy, Mairy, Tétaigne, Escombres, Mont-Saint-Remy, Enneman, Boutancourt, Rimont, Cesse, Villers, Amblimont, Wadelincourt, Givonne, Sedan, Heumont, Rozérieulles, Châtel, Marange, Brettnach, biens aujourd’hui situés dans les Ardennes, en Moselle, Meurthe-et-Moselle et dans le canton de Worms. Charte, privilège, Otton III, Mouzon, tentons d’y voir plus clair !

Par charte on désigne tout acte authentique fondant ou attestant de l’existence d’un droit. Privilège ; c’est un droit privé Et Mouzon : c’est un grand centre antique et médiéval. L’abbaye de Mouzon est ici considérée comme une partie, un particulier titulaire du privilège accordé par le souverain.

Notre charte est en parchemin, son sceau, certainement une intaille (une sorte de camée) antique plaquée, disparu depuis plusieurs générations. Ceci est d’ailleurs bien dommage quand on considère qu’Otton III, à la différence de ses prédécesseurs, se faisait représenter en pied et non plus seulement de face avec les attributs impériaux (sceptre et couronne).

On remarquera l’écriture caractéristique des premiers diplômes mérovingiens rappelant la forme d’écriture dite Céleste ainsi que le monogramme, signature emblématique des souverains se réclamant de l’héritage des romains et de Charlemagne.

À la fin du Xe siècle, on ajouta le nom des romains dont Otton III prétendait renouveler l’empire. C’est d’ailleurs en référence au calendrier latin que le texte est daté. “Donné le 8 des ides d’avril, l’an de l’Incarnation du Seigneur 997, (…), 14e année du règne d’Otton III, première de son empire. Fait à Aix-la-Chapelle, sous d’heureux hospices”. Enfin, on soulignera l’importance d’Otton III dans l’histoire à ce fait : il repose à Aix-La-Chapelle non loin de la châsse de Charlemagne sous le trône du souverain du Saint-Empire romain germanique.

Le texte a été publié dans le beau catalogue de l’exposition conçue par Martine Illaire, La Meuse Ardennaise, voie européenne d’échange de Jules César à l’éveil des nationalités, 1987, 44 p., p. 13-14, à partir de l’édition d’Hubert Collin.

À lire : Laurence Leleu, « Otton III », dans Bruno Dumézil (dir.), Les barbares, Paris, 2016, 1520 p., p. 1021-1022.

Francis Rapp, Le Saint Empire romain germanique, d’Otton le Grand à Charles Quint, Paris, 2003, 379 p., p. 64-73.