La guerre de 1870 dans les Ardennes

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Épisode 5 : Les combattants de 1870, aperçu non exhaustif des sources disponibles aux Archives départementales

La principale source d’informations sur les combattants de la guerre de 1870 aux Archives départementales des Ardennes est l’ensemble des registres matricules militaires des classes 1867 à 1871 consultables en ligne sur le site des archives.

En 1870, le recrutement de l’armée suit les règles de la loi Niel du 4 février 1868 qui, elle-même, reprend largement les dispositions de la loi Soult du 8 février 1832.
Ainsi, pendant une grande partie du XIXe siècle, le recrutement de l’armée s’appuie sur trois grands principes : un contingent limité (c’est-à-dire le nombre d’hommes appelés à effectuer le service militaire), un service militaire long et le tirage au sort auquel est lié la pratique du remplacement.

À la fin de l’empire, le contingent annuel est fixé à cent mille hommes en temps de paix mais ce nombre peut être augmenté en cas de conflit. Il se monte par exemple à cent quarante mille hommes pendant la guerre de Crimée. Le contingent annuel représente ainsi, sous l’empire, entre le tiers et la moitié d’une classe d’âge.

Pour atteindre le nombre d’hommes fixé pour former le contingent annuel, l’armée accueille des engagés volontaires mais, ceux-ci ne représentant qu’entre douze et dix-neuf pour cent du contingent annuel, l’essentiel du contingent est constitué d’appelés. Ceux-ci sont les jeunes gens dont le numéro au tirage au sort s’est révélé être un « mauvais numéro ». Ils doivent alors, selon la loi Niel, effectuer un service militaire de neuf ans composé de cinq ans en service actif et de quatre ans dans la réserve. Néanmoins, ceux ayant tiré un mauvais numéro et qui sont définitivement appelés ou leur remplaçant, sont d’après l’ordre de leur numéro et le nombre d’hommes fixé annuellement pour former le contingent « divisés en deux classes composée, la première, de ceux qui devront être mis en activité, et la seconde, de ceux qui seront laissés dans leurs foyers ». Les jeunes hommes ayant tiré un mauvais numéro peuvent aussi échapper au service militaire en proposant à l’armée un remplaçant.

Les jeunes hommes ayant tiré un bon numéro sont, quant à eux, inscrits dans la garde nationale mobile qui ne peut être mobilisée qu’en cas de guerre. Organisée par département, elle n’a jusqu’à la guerre de 1870 qu’une existence théorique. Les quelques jours par an de formation militaire que doivent suivre ses membres ne sont en réalité pas effectués. Elle est cependant appelée à l’activité par la loi du 17 juillet 1870. Cet appel trop tardif des « bons numéros » en remontant jusqu’à la classe 1864, c’est-à-dire les hommes nés en 1844, ne permet qu’à un faible nombre de départements de former et d’envoyer vers l’est de la France des compagnies de gardes nationales mobiles. De plus, n’ayant pas reçu de formation militaire, ces troupes n’ont, au début de la guerre, qu’une faible valeur militaire et sont parfois source de désordre, comme c’est le cas des gardes nationaux mobiles de la Seine en août 1870 au camp de Châlons.

Cette législation a pour conséquence que vous trouverez principalement les combattants de la guerre de 1870 dans les registres matricules militaires contenant les listes cantonales du contingent, c’est-à-dire les hommes ayant tiré un mauvais numéro, leurs remplaçants et les engagés volontaires. L’autre type de registres matricules militaires, ceux comprenant les listes cantonales du contingent de la garde nationale mobile, ne contient que peu de soldats ayant combattu pendant la guerre de 1870, principalement des volontaires. Il est à noter que la collection des registres matricules conservés aux Archives départementales ne commence qu’à la classe 1867, autrement dit les soldats nés en 1847.

Le soldat Émile Jazeron, originaire de Sedan, dont le registre matricule est consultable au lien suivant http://archives.cd08.fr/ark:/75583/s00533c2fb26a07f/533c2fb26af3a, est un bon exemple de ce système et du parcours de nombreux soldats de la guerre de 1870.

Ayant eu la malchance de s’être vu attribué le mauvais numéro 14, il fait partie du contingent de la classe 1869 et part en août 1869 faire son service militaire en Afrique, probablement en Algérie. Comme la majeure partie de l’armée d’Afrique, il rembarque pour la France vers le 19 juillet 1870, date de la déclaration de guerre de l’Empire français à la Prusse. Fait prisonnier pendant la guerre, il part en captivité du 4 décembre 1870 au 24 juin 1871. Il retourne ensuite en Afrique du 29 juin 1871 au 19 mai 1874. Ayant alors effectué ses cinq ans de service militaire actif, il passe dans la réserve le 30 juin 1874. Il a ainsi fait partie des environ deux cent cinquante mille hommes mis sur le pied de guerre début août 1870 par l’empire et qui s’oppose à l’armée allemande composée de plus du double de soldats.

En dehors des registres matricules, les Archives départementales des Ardennes conservent d’autres sources, malheureusement beaucoup plus rares, sur les combattants de la guerre de 1870. Ces documents, étant conservés principalement dans des fonds d’archives communales, sont parvenus jusqu’à nous de façon très variable d’une commune à l’autre.

Les Archives départementales conservent notamment quelques documents relatifs aux francs-tireurs, c’est-à-dire des hommes qui prennent volontairement les armes et qui, selon la circulaire du ministère de l’Intérieur du 29 juillet 1870, sont chargés de la défense de leur foyer le temps de la guerre. Leur formation étant soumise aux autorités militaires locales, les compagnies de francs-tireurs doivent dresser des listes de leurs membres. C’est le cas de la deuxième compagnie organisée à Charleville de francs-tireurs ardennais qui soumet sa liste, conservée sous la cote 1J 152, le 30 septembre 1870, au commandant supérieur de la place de Mézières. Cette liste permet de découvrir les noms et grades de plus cent vingt francs-tireurs.

Aux côtés des soldats de l’armée régulière et des francs-tireurs, ont également combattu les hommes de la garde nationale sédentaire. Dissoute depuis un décret du 11 janvier 1852, la garde nationale sédentaire est rétablie par la loi du 12 août 1870. Un dossier conservé dans le fonds des archives communales de Charleville, sous la cote EDEPOT/CHARLEVILLE/1H 14, permet de découvrir les opérations de reconstitution de la garde nationale de cette ville ainsi que les listes des hommes la composant. Un autre document, d’origine privée, le récit du siège de Mézières par Auguste Fortemps, déjà cité dans le précèdent épisode, nous renseigne, quant à lui, sur la composition d’une des unités de la garde nationale sédentaire de Mézières. Auguste Fortemps fait, en effet, suivre son récit de la liste des deux cent trente et un membres de la batterie d’artillerie de la garde nationale sédentaire de Mézières. Il indique, pour chacun d’eux, leur grade, la fortification qu’ils étaient en charge de défendre et détaille les états de service des officiers.

Après les capitulations de l’armée à Sedan le 2 septembre 1870 et à Metz le 27 octobre 1870, l’armée régulière est en grande partie prisonnière. En dehors des hommes assiégés dans Paris, la France ne dispose plus que de cent cinquante mille hommes pour combattre l’ennemi. La délégation de Tours, constituée par le gouvernement de Défense nationale avant d’être encerclée dans Paris et dirigée par Gambetta qui cumule les fonctions de ministre de l’Intérieur et de la Guerre, ordonne le 2 novembre 1870 la levée en masse.

Contrairement à la mise en activité de la garde nationale mobile, qui concernait les jeunes hommes à partir de la classe 1864, ou à l’appel tardif par l’empire, le 20 août 1870, « de tous les citoyens non mariés ou veufs sans enfants de 25 ans à moins de 35 ans », cet ordre qui crée la garde nationale mobilisée concerne tous les hommes « valides de vingt et un ans à quarante ans ». « Toute exemption basée sur la qualité de soutien de famille est abolie ». Seules subsistent les exemptions liées à l’état de santé ou à l’accomplissement de certains services publics. La République s’engage à pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses et à adopter « les enfants des citoyens qui succombent pour la défense de la patrie ».

Cet ordre se traduit par la réalisation de listes d’hommes mobilisés dont on trouve trace notamment dans le fonds d’archives communales de Maubert-Fontaine. Datée du 18 novembre 1870, cette liste recense les noms de plus de quatre-vingt mobilisés. La présence d’une telle liste dans les archives d’une commune du nord-ouest du département n’est pas un hasard. En effet, elle fait partie de la zone du département encore sous contrôle français alors que le reste des Ardennes est occupé par les troupes allemandes.

Les combattants de la guerre de 1870 sont ainsi composés de différents types de soldats faisant, pour certains d’entre eux, partie d’unités militaires formées dans l’urgence et l’improvisation. Cette complexité explique la diversité des fonds d’archives qu’il est nécessaire de consulter pour faire l’histoire de ces forces armées ou retrouver la trace d’un de ces combattants.

Extrait du registre matricule de la classe 1868 relatif à Emile Jazeron.jpg Couverture d'un livret militaire de franc-tireur.jpg Extrait de la liste des membres d'une compagnie de francs-tireurs.jpg Extrait d'une liste des mobilisés suite à la levée en masse.jpg