Le fonds de la poétesse Marie-Louise Gillet

Ce n'est pas la taille d'un fonds qui compte... mais son contenu

Nous revenons plus en détail sur le fonds Marie-Louise Gillet (150J), dont l’entrée a fait précédemment l’objet d’un article. Rappelons que Marie-Louise Gillet, femme d’ouvrier, est l’auteure de plus de 1500 articles et plus de 70 poèmes dont la qualité fut saluée notamment par Camille Lecrique, poète ardennais, et Théophile Malicet, écrivain prolétarien. Elle écrivait lorsque son emploi du temps le lui permettait, c'est-à-dire le soir ou le jour de repos de son mari, souvent sur un coin de table. Quotidien chargé de femme au foyer, « femme sans métier mais aux cents métiers », comme l’a joliment et justement écrit Jacques Théret.

L’intérêt de ce fonds est inversement proportionnel à sa taille (une boîte). Tout d’abord, plus de 1500 articles sont conservés, rendant possible l’étude exhaustive de ce témoignage de la vie ouvrière. A partir de conversations, de courriers reçus et de choses vues et entendues dans sa vie quotidienne, Marie-Louise Gillet réalise un travail de journaliste, de sociologue, de psychologue. Mais aussi, dans le contexte de l’après-guerre, d’éducateur et de militant. Grâce à sa grande expérience de la vie et de la condition ouvrière, elle analyse avec justesse ces situations du quotidien pour en faire apparaître le sens, pour en tirer un enseignement et souvent faire un lien vers la foi (la Jeunesse Ouvrière Catholique Féminine l’a fortement influencée).

Ces articles concernent les difficultés de la vie ouvrière, les conditions de travail, la solidarité, les relations entre adultes/parents et enfants/jeunes, l’éducation, la vie de famille, les jeunes (préoccupations, conditions de vie, travail, mariage…) et la condition des femmes ainsi que le rôle important joué par elles. On y trouve également des réflexions sur la vie en général. L’accès à cette manne est facilité par une liste des articles indexés avec des mots-clefs.

Concernant l’œuvre poétique de Marie-Louise Gillet, on peut distinguer plusieurs thèmes. Certains sont classiques, comme l’amour (Je ne sais qu’aimer, Me diras-tu ? ou Noces d’argent, dédié à son mari) ou la mort (Viendra le jour). Mais aussi le temps qui passe et les souvenirs (Sur un album de photos, Rêverie du soir, Je rêve).

D’autres sont plus personnels. La foi est ainsi présente dans ses poèmes (Lorsque, Entre nous Marie, Kyrie eleison, Vous n’aurez pas de signe). La mort de sa fille Odile, à l’âge de 6 ans, est évoquée plusieurs fois (Le temps des semailles, Credo ! et le poignant Ce jour-là). Certains poèmes sont dédiés à ses enfants (Si…) ou à ses petits-enfants (Tout petit, A François).

Marie-Louise Gillet a également su retranscrire sa vie quotidienne et les difficultés de la vie ouvrière dans ses poèmes (La chanson du matin, La ballade des chômeurs partiels, Sirènes d’aujourd’hui, Le poids du jour). Quand leur donnerais-je ? évoque la difficulté d’écrire et de se faire éditer lorsqu’on est issu du monde ouvrier.

Marie-Louise Gillet a dû quitter sa région pour des raisons économiques. Elle se souvient de son village dans Nostalgie et Retour. A toi mon grand-père est un hommage à celui qui a beaucoup compté pour elle qui n’a pas connu son père, décédé lors de la Première Guerre mondiale. Mais elle célèbre aussi sa terre d’adoption (Arduenna), l’histoire et le patrimoine des Ardennes (Les corneilles de Mézières, Les vieilles villes d’antan, Crépuscule au Vieux-Moulin, L’homme aux semelles de vent).

Elle chante aussi les mois de l’année (un poème pour chaque mois) et les saisons (La chanson de l’hiver, Chansonnette d’un jour d’été). Beaucoup de ses poèmes, à l’instar de ce dernier, sont inspirés par des impressions, des sensations ou des ambiances qu’elle sait capter et fixer avec des mots tout comme un peintre impressionniste le ferait avec des touches de couleur (Soir de Toussaint, Nocturne, Ce jour donne encore). En ce sens, Crépuscule en novembre, souvenir d’un trajet sur la route entre Reims et Charleville, ressemble à un croquis fait de mémoire.

Beaucoup d’autres jolis poèmes font partie des 83 répertoriés (11 sont malheureusement manquants), comme Paradis perdu, Nuages, Les rêves fous ou J’ai vu.

Enfin, la présence de 31 poèmes inédits achève de faire de ce fonds un sujet d’étude très intéressant. Ils couvrent les mêmes thèmes et nous ne résistons pas au plaisir de vous en offrir un : Les heures des crépuscules.