Les déportés polonais de la WOL
Une histoire singulière ardennaise
Dans les actualités du site, nous mettons aujourd'hui en avant le fichier des polonais déportés comme ouvriers agricoles pour le compte de la Wirtschaftsoberleitung (WOL), l’administration agricole allemande (155W). Dans la continuité de ce fonds se trouve un autre versement complémentaire et d’un grand intérêt pour l’étude des populations déportées du travail pendant la Seconde Guerre mondiale : le 33W, relatif au contrôle administratif des déportés polonais.
Versé par le bureau de la police des étrangers de la préfecture des Ardennes en 1953, ce versement se compose de 25 boîtes qui ont été classées par un archiviste en 2000. Le fonds dispose aujourd’hui d’un instrument de recherche.
Afin d’exploiter les terres agricoles, les autorités allemandes, sur le modèle de l’Ostland en Pologne, réquisitionnent plus de 8000 fermes réparties dans 380 communes ardennaises. Ces fermes sont gérées par des chefs de culture allemands qui dirigent une main d’œuvre importante composée de prisonniers de guerre et d’ouvriers polonais. Les autorités allemandes acheminent ainsi vers les Ardennes des convois entiers de ressortissants polonais, catholiques, au cours des années 1943 et 1944 qui sont affectés là où la WOL est implantée. Cette main d’œuvre polonaise est composée aussi bien de femmes que d’hommes et ce sont souvent des familles entières qui sont déportées puisqu’on y trouve de nombreux enfants. Dès leur arrivée, ces étrangers doivent faire l’objet d’une régularisation administrative auprès de la préfecture des Ardennes : des circulaires, datées des 17 avril 1943 et 29 avril 1944, sont adressées aux sous-préfets, maires et commissaires de police du département précisant les directives nécessaires pour la régularisation de leur situation. Il est indiqué par exemple qu’une demande de titre de séjour provisoire doit être rédigée sur papier timbré, où doivent figurer obligatoirement une photographie de profil, la religion ainsi que des éléments relatifs à l’état civil et à la composition des familles. Une taxe doit être versée en fonction du salaire : 400 francs ou 100 francs si le salaire est inférieur à cette même somme. Toutefois, les personnes indigentes ou les membres des familles n’ayant pas d’activité professionnelle en sont exonérés. Une fois la taxe acquittée, le ressortissant étranger reçoit un récépissé provisoire tenant lieu de carte d’identité valable au maximum trois mois. En raison de la réduction du stock d’imprimés, les circulaires obligent par ailleurs les communes à dresser des listes complètes des ressortissants polonais comportant les mêmes éléments que ceux figurant sur la demande de titre de séjour.
Le versement reflète ainsi la mise en application de ces circulaires préfectorales puisqu’on y trouve un total de 280 dossiers communaux, classés par ordre alphabétique des noms de commune. Pour chaque commune, sont conservés systématiquement des listes de déportés arrivés au cours des années 1943 et 1944, les demandes de permis de séjour avec photographies, de la correspondance administrative, parfois rédigée par les ressortissants polonais eux-mêmes, ou encore des formulaires d’enquête administrative relative à des condamnations.
Nous vous encourageons vivement à consulter et à exploiter ces documents, dans le cadre d’une étude sociologique, historique, généalogique. C’est un pan entier de l’histoire ardennaise qui mérite d’être valorisé. Il est à compléter par les archives propres de la WOL (12R), les archives du service préfectoral de liquidation de la WOL (11R) et le fichier des déportés polonais (155W).