D'amour et de politique
Lettre d'Éléonore de Bergh, Duchesse de Bouillon à son mari Frédéric Maurice au sujet de la prise de Rethel et des évènements de la Fronde, 1650
Éléonore de Bergh (1613-1657) et Frédéric Maurice de la Tour d’Auvergne (1605-1652) éperdument épris, se marient le 1er février 1634 contre l’avis de leur famille. Le mariage est catholique, Frédéric abandonnant le calvinisme. Le couple est pourtant bien accueilli à Sedan alors majoritairement protestante.
Les époux se retrouvent en exil quand ils doivent abandonner la principauté souveraine de Sedan au royaume de France à la suite de son arrestation à cause de la conspiration de Cinq-Mars (1642) contre Richelieu et, indirectement Louis XIII. À la suite de son arrestation Frédéric Maurice doit sa vie sauve à Éléonore qui négocia pour lui le traité.
Les époux reviennent à Paris en 1648. Anne d’Autriche assure la régence après le décès de Louis XIII en 1643, Mazarin étant principal ministre. La Fronde éclate. Les époux y sont actifs. Ils aimeraient récupérer Sedan qui a été rattachée à la France après la conspiration. Éléonore sera même emprisonnée à la Bastille.
La lettre aujourd’hui exposée est écrite en pleine Fronde, en décembre 1650. Elle y donne des nouvelles des évènements militaires :
M. le Cardinal […] a repris Retel et que après mon frère ayant aproché avec son armée, M. Duplesy Pralin a donné combat et que à la main droite ou étoy mon frère il a eu tout l’avantage et a défay de ce côté la M. Duplesy Pralin may qu’il a eu deux chevos tué sous luy […] M. Duplesis Pralin a perdu son fils énés et bien deux mille homme reste sur la plasse et du côté de mon frère bien 4 mille, enfin nous somme demy morte car le bruy a été que M. votre frère [le maréchal de Turenne] est pris prisonnier…qu’il est mort […].
Mais aussi politiques :
M. le Cardinal… est arrivé avec la coure ; la raine continue a estre toujour malade […] on crin qu’elle n’ay un apsay den le mesentraire. Le Parlement continue à vouloir que M. le Prinse [Le Prince de Condé] soit ramené au boy de vinsaine (Vincennes) […]
Leurs contemporains les décrivent comme un couple heureux. On peut en effet lire ici les mots d’Éléonore pour son époux : « Chere cœur […] je ne demande au bon dieu que de vivre avec vous et ne vous plus quitter, car serte, je meur d’annuy de nostre separation que je n’é jamais trouvé sy rude […] »
Sur la lettre, deux cachets de cire rouge. On y reconnait les armoiries de la Tour d’Auvergne-Turenne avec, entre autres, deux tours sur fond de fleurs de lys, et au centre, un gonfanon de gueules (rouge), frangé de sinople (vert).